Topic 7190575

DH//575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 14:49:17

© photo photo (creative commons) : Christian Frausto Bernal

 

FIDELIO

575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 14:49:17

Je vous livre deux extraits d'un roman (Toi qui connais bien mon frère)  de Marco Dutil que j'ai beaucoup aimé. Il n'est pas encore publié mais le sera très bientôt chez Lewster Books Publisher. Merci Marco et bon succès avec ce nouveau livre.

 

 L’homme ayant pour nom Fidelio était en réalité une femme du nom de Leonore. Lorsque la sublime Christa Ludwig interpréta son grand air, Steve fut saisi d’un émerveillement d’autant plus vrai que rien, auparavant, ne l’avait laissé prévoir.

 Une avancée de lumière, de mystique à éblouissante, le tira doucement de sa torpeur. Ce ne fut qu’alors qu’il se régala d’un grand moment technique, à la hauteur de la réputation du Metropolitan Opera de New York. La magie des projecteurs produisit sur scène un éclat plus diffus que le jour, de ceux qu’on prête à la création du monde.

 La terre s’éleva, aspirée vers le ciel.

 Une cinquantaine de prisonniers montèrent et prirent place sur ce désert incendié de soleil. Ils s’extasièrent dans un chœur en pianissimo où le mot Freiheit résonnait au terme de longs crescendos.

 Ils avaient des épaules exagérément courbées pour de si jeunes hommes. C’était à croire que leur tristesse pesait d’abord sur leurs clavicules, et qu’au lieu de monter vers les zones éclairées de la connaissance, elle avait épargné leurs têtes en descendant plutôt le long de leurs corps. L’horreur de leur détention amenait toute la pesanteur du monde dans leurs chevilles, dans leurs talons. Leurs bottes jusqu’aux mollets avaient l’air de gigantesques maçonneries sur lesquelles s’érigeaient des tronc légers comme des nuages.

 Il se créa deux groupes mais que la musique réunit en un seul, comme si ces êtres se retrouvaient tous dans cette prison pour le même méfait. Freiheit! Freiheit!  Ce n’était pas un cri héroïque, ce n’était même pas un cri. Ce mot avait pris place dans leur vocabulaire à force de s’imprégner entre cinq et dix minutes par jour dans l’atmosphère d’une récréation. Ils ne chantaient pas Freiheit! comme des détenus qui espèrent d’être acquittés. L’orchestre ne plaçait que de la musique dénuée de circonstances sur ce mot, sans percussion, sans cuivre, c’était d’une désolation à faire enrager la liberté, à supposer qu’elle eût un corps et des vêtements. Ils chantaient Freiheit! comme s’ils la regardaient par terre, comme un objet négligeable, ordinaire, pas même un objet de mépris. Elle devait leur apparaître comme une roche, que heurte la pointe d’une botte tandis que le haut du corps se demande quelque chose ou rien du tout. En fait, ces prisonniers ne semblaient pas plus concernés  par les aspérités poussiéreuses du sol que par la liberté : ils n’en avaient jamais eu, ils n’en auraient jamais.

 Un détenu dans le groupe de gauche semblait plus jeune et plus éprouvé que les autres. Il ne quittait jamais des yeux le chef d’orchestre. Par ce regard qui implorait ce point convergeant de la fosse, on pouvait voir se changer l’inquiétude en révolte dans le mouvement très déterminé des lèvres du choriste.

 

(...)

 

-  Apparemment, dit Jared, qu’ils n’ont pas commis de crime. Ils sont formés par la nature comme des masses belliqueuses. Ils chantent avec autant d’ardeur que s’ils étaient voués à des conquêtes mémorables. Pourtant, ils peinent à mettre un pied devant l’autre. Je crois qu’ils sont hantés par un seul sentiment : «Quel sera notre crime? Que ferons-nous de si atroce»? Les méfaits qu’ils anticipent de faire quand ils seront libérés varient selon les consciences. Ces hommes auront un jour la maturité pour courir au devant des tempêtes qui seront suscitées par eux-mêmes. Un brisera des cœurs, l’autre trompera son meilleur ami, un autre encore ira tuer son prochain. Chaque jour de leur emprisonnement exige de leurs pensées qu’elles fassent un bond dans l’avenir sur le lieu de leurs atrocités. Ils ne sauront pas s’arrêter. Ce qu’ils feront ne portera pas de nom.

 - Je vois, dit Steve. Ils paient à l’avance pour des crimes qu’ils n’auront pas le choix de faire. C’est affreux.

 - Pas autant que de devoir payer pour un plaisir qu’on s’est offert à crédit!

 Le ton sur lequel il plaisanta n’arriva pas à le détourner de l’apparente inquiétude avec laquelle il avait exposé sa vision.

575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 15:00:09

Merci Claudia de partager avec nous cette découverte. Je ne connaissais pas  cet auteur mais ces deux extraits me font voir l'opéra de Beethoven comme un sommet du romantisme musical avec ce très beau chœur des prisonniers qui apporte un sentiment de grandeur universelle.

575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 15:00:09

Kam et moi nous nous sommes faits justice nous-mêmes devant notre méchanceté et la férocité des hommes de la GRC.  Mais je veux exprimer mon sentiment sur l'idée de cette prison où les bagnards vont s'abreuver à la lumière. Si l'un de nous avait manifesté une préférence pour la prison, l'autre l'aurait écouté, et se serait rallié à ce point de vue. Nous ne sommes pas parmi les butés et les suicidaires. Aujourd'hui nous sommes parmi des voix qui s'exriment dans l'air. Nous n'avons pas pour mission de dire lequel des deux influençait l'autre. Nous ne voulons pas revenir sur nos crimes anciens. Cette affaire est du terrestre et du passé. Nous avons suffisamment causé du mal à nos parents sans que les médias en rajoutent.

 

 

 

Topic 7190576

DH//576 Re://T7190 [Yaff/Djib/Spid/Rube/Jess - Prison] post. 19-10-19 16:22:49

 

PRISON

 

576 Re://T7190 [Yaff/Djib/Spid/Rube/Jess - Prison] post. 19-10-19 16:22:49

Irone Yaffa

Sur la question du lieu, j'imagine une prison. Une prison qui pourrait ressembler à un bâtiment déjà existant sur notre île en forme d'étoile. Mais je demeure un partisan de la manière pure et dure, quitte à ce que la prison que je vous suggère ici revête le sinistre aspect de Guantanamo. Bien sûr il n'en est rien, mais ouvrons l'œil quand même: il est question de crimes anciens, cela va-t-il tenir la route? Il est aussi question de surveillance. À ce propos, devons-nous conserver l'aspect mormon, ou baptiste de Kin? Il y a beaucoup de choses qui risquent d'être ébranlées, raison pour laquelle il me semble que la base du travail devrait être solide, et que cette base, tant qu'à faire un roman, serait la situation initiake que nous avons trouvée ensemble: la fraternité, et l'ennemi. Un thème archétypal qui ne se dément pas. On nage dans une sorte d'éternité.

 

576 Re://T7190 [Yaff/Djib/Spid/Rube/Jess - Prison] post. 19-10-19 16:22:49

Ruben Hersocovici

Il me semble parfois que je suis en prison pour un crime que je n'ai pas encore commis mais que je vais faire. Vas-je le faire de mon plein gré ou accidentellement. Ou même inconsciemment? Non, ce ne peut pas être inconsciemment. Un crime, par crime je veux dire un meurtre, demande trop de déploiement au préalable pour que toute sa préparation soit inconsciente. Mais accidentellement peut-être? En tout cas je pense bien que je suis en train de payer pour quelque chose de mauvais que je m'apprête à faire. C'es la seule raison que je peux voir pour expliquer que je suis ici.

 

576 Re://T7190 [Yaff/Djib/Spid/Rube/Jess - Prison] post. 19-10-19 16:22:49

Yan Yachar

Je suis aussi un partisan de la manière pure et dure. Tu dis prison, je te dis pénitencier. Sécurité maximale. Guantanamo: une sorte de. Mais dans ma prison nouveau genre, certaines salles de torture sont d'un raffinement et d'une élaboration qui ne permettent pas la visite de personnes autrement que celles qui vont vers leur sort, et ce sort est contenu dans un seul mot: la souffrance. Si vous voulez des conidérations philosohiques sur le châtiment et sa nécessité, je suis votre homme. Notre société ne peut se passer d'un mode correctionnel si nous voulons aller vers une évolution minimale, car il est moins une. J'en ferai mon idéologie. Qui veut l'entendre?

 

576 Re://T7190 [Yaff/Djib/Spid/Rube/Jess - Prison] post. 19-10-19 16:22:49

Djibril Rivkah

Aux prémonitions sensibles du jeune Ruben, je réponds: moi aussi. Maintenant que nous avons suggéré une prison et ses variantes (car l'ajout d'un pénitencier aux modestes installations de notre esprit pourrait certes l'enrichir mais aussi rendre notre projet beaucoup trop compliqué de mon humble point de vue) j'aimerais qu'on élabore sur ce type d'endroit où seraient renfermés les cobayes de Symbiose. Car, à tout prendre, je ne dédaignerais pas qu'un adjuvant soit installé pour permettre le dénouement, c'est-à-dire la plongée de chaque participant dans le désir de la mort.

 

576 Re://T7190 [Yaff/Djib/Spid/Rube/Jess - Prison] post. 19-10-19 16:22:49

Jess-Ephrem Lamy

J'aime l'idée de la prison, et encore plus l'idée d'un crime qui reste à être commis. Ce pourrait valoriser notre thématique. Aidons à la cause. Et l'endroit, comme tu le pressens Djibril, pourrait être un laboratoire. Nous approchons d'une vérité il me semble. En tout cas voici une thématique qui me parle bien.

 

 

 

Topic 7190577

DH//577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:46:52

 

DON

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:46:52

Paul Jayden

Notre ami n'oublie pas qu'il a un don pour la musique quand ce n'est pas nécessaire de se le rappeler, mais c'est comme si ce don se volatilisait au moment où il en aurait le plus besoin. La trêve dure depuis un bon deux semaines. Qu'attend-il pour commencer? Il a tous ce qu'il lui faut pour étaler ses notes sur les nombreuses portées qu'il a lui-même mises à sa disposition.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:48:17

Djibril Rivkah

Trop nombreuses? Il lui manque peut-être encore une histoire. Il nous a choisis, nous et notre école normative. Il y a plein de trucs qu'il sait, mais on dirait qu'il attend, en effet. La plainte est toujours en train de l'emporter sur l'ode, alors que dans son oreille, c'est la musique de l'ode qu'il entend.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:50:32

Dave Leduc

De belles trouvailles pratiques se sont pourtant greffées à la théorie. Bon. Bref. Parlant de ça, j'en aurais une à vous soumettre. Défaut notoire, mais eut-être salutaire en ce qui nous ooncerne: notre ami est paresseux.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:52:16

Ruben Hersocovici

Le don rend souvent les gens ambivalents. Il n'attaque pas suffisamment les choses de front - en cela il agit avec celles-ci comme il agit avec les êtres. Il me fait penser à toi, magique Khemo: il te faut toujours un bon quart d'heure pour te décider à envisager la pente depuis le haut, depuis le milieu, ou carrément en te projetant dans la zone où c'est écrit le mot danger, tout au bas. Durant ce temps où tu as tergiversé, tu as eu amplement le temps de choisir ce que tu ôterais de toi-même pour te laisser siphonner vers le bas, tout, ou rien du tout.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:52:55

Aluma Benami

Attention la pente t'attire trop toi-même petit Ruben qui se veut grand,  et, ce voulant, c'est ta subtilité qui en souffre. Les crimes anciens dont il est toujours un peu question sans qu'on les aborde directement me sembleraient une solution ici, pour créer de l'attention. Est-ce que notre Manitou submergé y a songé? Je crois que non mais je crois qu'il le fera bientôt, parce que, tout simplement, je crois en lui.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:54:14

Anjan Khemo

Tu ne sais rien de ce qui se passe en moi quand je suis aux prises avec mes pentes réelles et symboliques, aussi je te suis reconnaissant du soin que tu prends à te projeter dans mes propres déboulements. Allez hop il approche de 8h. Je vais voter.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:55:03

Luc Plissot

Paresseux mais c'est un artiste. Comprenons ceci: un artiste n'est jamais paresseux. De la paresse il connaît la paix, état rare dans lequel il essaie souvent de se maintenir pour préserver la santé de son cœur, je parle du muscle. Distillant ainsi le mauvais contenu dans le stress au profit du bon, il ne fait que se ménager un temps d'arrêt dans l'attente d'un temps qui sera plus propice à l'élancement, je parle du geste. Je sais m'élancer, grâce à la technique, mais surtout grâce à l'aspiration, au-dessus d'un lac. Il sait le faire lui aussi. Je dirais même que là réside sa vraie force.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:55:59

Christophe Legendre

Des acquis que je trouve vraiment stimulants pour remplacer la narration traditionnelle n'ont pas l'air de motiver l'entreprise. Dieu sait qu'à sa place je me serais mobilisé! Très hâte de lire avec mes doigts la description des odeurs - celles d'Alex Longpré ne me laissent pas indifférent.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:57:08

Yan Yachar

Paresseux je ne pense pas. Peut-être est-il simplement fatigué. On se lasse de toujours les mêmes choses, aux mêmes saisons, aux même personnes. Sur le plan des statistiques, sommes-nous en train de reculer? Il le faudrait bien car on ne veut pas que toutes les machines se mettent à disjoncter en même temps. La planète va déjà assez mal comme ça. Et puis je voulais aussi dire ceci: notre ami Shakespeare, tout ce qu'il écrivait, ce n'était pas coulé dans le béton, mais ce serait mal vu aujourd'hui de ne pas trouver ça génial. Or nous sommes à l'ère de l'air, dans le sens d'avoir l'air. Avoir l'air de quoi? De petits êtres propres et douillets, léchés, compatissants et chouettes.

 

577 Re://T7190 [Jayd/Rube/Djib/BenA/Fina/Spid/Swan/Chr0/Khem - Don] post. 19-10-21 17:58:25

Luc Plissot

Ça va, ça va. Nous ne sommes pas aussi chouettes que ça.

Topic 7190575

DH//575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 14:49:17

© photo photo (creative commons) : Christian Frausto Bernal

 

FIDELIO

575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 14:49:17

Je vous livre deux extraits d'un roman (Toi qui connais bien mon frère)  de Marco Dutil que j'ai beaucoup aimé. Il n'est pas encore publié mais le sera très bientôt chez Lewster Books Publisher. Merci Marco et bon succès avec ce nouveau livre.

 

 L’homme ayant pour nom Fidelio était en réalité une femme du nom de Leonore. Lorsque la sublime Christa Ludwig interpréta son grand air, Steve fut saisi d’un émerveillement d’autant plus vrai que rien, auparavant, ne l’avait laissé prévoir.

 Une avancée de lumière, de mystique à éblouissante, le tira doucement de sa torpeur. Ce ne fut qu’alors qu’il se régala d’un grand moment technique, à la hauteur de la réputation du Metropolitan Opera de New York. La magie des projecteurs produisit sur scène un éclat plus diffus que le jour, de ceux qu’on prête à la création du monde.

 La terre s’éleva, aspirée vers le ciel.

 Une cinquantaine de prisonniers montèrent et prirent place sur ce désert incendié de soleil. Ils s’extasièrent dans un chœur en pianissimo où le mot Freiheit résonnait au terme de longs crescendos.

 Ils avaient des épaules exagérément courbées pour de si jeunes hommes. C’était à croire que leur tristesse pesait d’abord sur leurs clavicules, et qu’au lieu de monter vers les zones éclairées de la connaissance, elle avait épargné leurs têtes en descendant plutôt le long de leurs corps. L’horreur de leur détention amenait toute la pesanteur du monde dans leurs chevilles, dans leurs talons. Leurs bottes jusqu’aux mollets avaient l’air de gigantesques maçonneries sur lesquelles s’érigeaient des tronc légers comme des nuages.

 Il se créa deux groupes mais que la musique réunit en un seul, comme si ces êtres se retrouvaient tous dans cette prison pour le même méfait. Freiheit! Freiheit!  Ce n’était pas un cri héroïque, ce n’était même pas un cri. Ce mot avait pris place dans leur vocabulaire à force de s’imprégner entre cinq et dix minutes par jour dans l’atmosphère d’une récréation. Ils ne chantaient pas Freiheit! comme des détenus qui espèrent d’être acquittés. L’orchestre ne plaçait que de la musique dénuée de circonstances sur ce mot, sans percussion, sans cuivre, c’était d’une désolation à faire enrager la liberté, à supposer qu’elle eût un corps et des vêtements. Ils chantaient Freiheit! comme s’ils la regardaient par terre, comme un objet négligeable, ordinaire, pas même un objet de mépris. Elle devait leur apparaître comme une roche, que heurte la pointe d’une botte tandis que le haut du corps se demande quelque chose ou rien du tout. En fait, ces prisonniers ne semblaient pas plus concernés  par les aspérités poussiéreuses du sol que par la liberté : ils n’en avaient jamais eu, ils n’en auraient jamais.

 Un détenu dans le groupe de gauche semblait plus jeune et plus éprouvé que les autres. Il ne quittait jamais des yeux le chef d’orchestre. Par ce regard qui implorait ce point convergeant de la fosse, on pouvait voir se changer l’inquiétude en révolte dans le mouvement très déterminé des lèvres du choriste.

 

(...)

 

-  Apparemment, dit Jared, qu’ils n’ont pas commis de crime. Ils sont formés par la nature comme des masses belliqueuses. Ils chantent avec autant d’ardeur que s’ils étaient voués à des conquêtes mémorables. Pourtant, ils peinent à mettre un pied devant l’autre. Je crois qu’ils sont hantés par un seul sentiment : «Quel sera notre crime? Que ferons-nous de si atroce»? Les méfaits qu’ils anticipent de faire quand ils seront libérés varient selon les consciences. Ces hommes auront un jour la maturité pour courir au devant des tempêtes qui seront suscitées par eux-mêmes. Un brisera des cœurs, l’autre trompera son meilleur ami, un autre encore ira tuer son prochain. Chaque jour de leur emprisonnement exige de leurs pensées qu’elles fassent un bond dans l’avenir sur le lieu de leurs atrocités. Ils ne sauront pas s’arrêter. Ce qu’ils feront ne portera pas de nom.

 - Je vois, dit Steve. Ils paient à l’avance pour des crimes qu’ils n’auront pas le choix de faire. C’est affreux.

 - Pas autant que de devoir payer pour un plaisir qu’on s’est offert à crédit!

 Le ton sur lequel il plaisanta n’arriva pas à le détourner de l’apparente inquiétude avec laquelle il avait exposé sa vision.

575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 15:00:09

Merci Claudia de partager avec nous cette découverte. Je ne connaissais pas  cet auteur mais ces deux extraits me font voir l'opéra de Beethoven comme un sommet du romantisme musical avec ce très beau chœur des prisonniers qui apporte un sentiment de grandeur universelle.

575 Re://T7190 [Tza/Isat/Brye/Vakh - Fidelio] post. 19-10-18 15:00:09

Kam et moi nous nous sommes faits justice nous-mêmes devant notre méchanceté et la férocité des hommes de la GRC.  Mais je veux exprimer mon sentiment sur l'idée de cette prison où les bagnards vont s'abreuver à la lumière. Si l'un de nous avait manifesté une préférence pour la prison, l'autre l'aurait écouté, et se serait rallié à ce point de vue. Nous ne sommes pas parmi les butés et les suicidaires. Aujourd'hui nous sommes parmi des voix qui s'exriment dans l'air. Nous n'avons pas pour mission de dire lequel des deux influençait l'autre. Nous ne voulons pas revenir sur nos crimes anciens. Cette affaire est du terrestre et du passé. Nous avons suffisamment causé du mal à nos parents sans que les médias en rajoutent.